505. TROISIEME MEMORABLE. Un jour j'entendis un bruit comme le frottement de deux meules de moulin l'une contre l'autre ; je m'approchai vers ce bruit, et il cessa, et je vis une porte étroite, conduisant obliquement en bas vers une maison voûtée, où il y avait plusieurs Chambres avec des cellules, dans chacune desquelles étaient assis deux Esprits qui recueillaient dans la Parole des passages confirmatifs de la justification par la foi seule, l'un recueillait et l'autre écrivait, et cela alternativement. Je m'approchai d'une Cellule, qui était auprès de la porte, et je demandai ce qu'ils recueillaient et écrivaient. Ils dirent :

« Des passages sur L'Acte de la justification ou sur la Foi en acte, qui est la Foi même justifiant, vivifiant et sauvant, et la Tête des doctrines de l'Église dans notre Christianisme. »

Et alors je dis à l'un d'eux :

« Raconte-moi quelque signe de cet Acte, quand cette Foi est introduite dans ; le cœur de l'homme. »

Il répondit :

« Le signe de cet Acte existe au moment où l'homme, pénétré de la douleur d'être damné, et placé dans cette contrition, pense que le Christ a ôté la damnation delà Loi, et saisit ce mérite du Christ avec confiance et s'adresse, avec cela dans la pensée, à Dieu le Père et le prie. »

Alors je dis :

« C'est donc ainsi que se fait l'acte, et c'est donc là le moment? »

Et j'ajoutai:

« Comment comprendrai-je, ce qui est dit de cet Acte, que rien de l'homme n'y concourt, pas plus que rien n'y concourrait, s'il était, une souche ou une pierre ; et que l'homme, quant à cet Acte, ne peut rien commencer, ni vouloir, ni comprendre, ni penser, ni opérer, ni coopérer, ni s'appliquer, ni s'adapter ? Dis-moi comment cela s'accorde avec tes paroles, que l'Acte a lieu lorsque l'homme pense au droit de la loi, à sa damnation ôtée par le Christ, à la confiance avec laquelle il saisit ce mérite du Christ, et qu'il, s'adresse, en pensant à cela, à Dieu le Père et le prie ? Toutes ces choses ne se font-elles pas par l'homme? »

Mais il dit :

« Elles sont faites par l'homme, non activement, mais passivement. »

Et je répondis :

« Comment quelqu'un peut-il penser, avoir confiance et prier passivement? Ote à l'homme l'actif, et alors le coopératif, ne lui ôtes-tu pas aussi le réceptif, ainsi tout, et avec tout l'Acte lui-même? Que devient alors ton Acte, sinon quelque chose de purement idéal, qu'on appelle être de raison? J'espère que tu ne crois pas, avec quelques-uns, qu'un tel Acte n'a lieu que chez les Prédestinés, qui ne savent rien de l'infusion de la foi chez eux ; ceux-ci peuvent jeter les dés, et chercher par là si la foi a été infusée en eux, ou si elle ne l'a pas été : Crois donc, mon ami, que l'homme, quant à la foi et à la charité, opère par lui-même d'après le Seigneur, et que sans cette opération ion acte de foi, que tu as appelé la Tête des Doctrines de l'Église dans le Christianisme, n'est que la statue, femme de Lotli, ne rendant d'autre son que celui du sel, effleurée par la plume de l'écrivain, ou par l'ongle de son doigt, - 17:32 ; - j'ai dit cela, parce que vous vous faites vous-mêmes, quant à cet Acte, semblable à des statues. »

Quand j'eus dis ces mots, il saisit brusquement le chandelier pour me le jeter à la face, et alors la chandelle s'étant tout-à-coup éteinte, il le lança au front de son compagnon ; et je m'en allai en riant.